Albert Sohier(Sou Che Yan)
19/07/1915 Elisabethville - 11/01/1975 Etterbeek
Prêtre séculier
de ia Société auxiliaire des Missions Docteur en
théologie et bachelier en philosophie
Il est le 2e des six enfants d'Antoine et Cécile Gulikers
Il fût profondément marqué par la personnalité de grand format se son père, surtout par son esprit social d'avant-
garde et par sa rigueur morale et intellectuelle.
Après avoir passé sa prime jeunesse au Katanga,il dut, pour raison scolaire, être placé
en pension avec son frère aîné Jacques à l'Athénée Royal de Malmedy, où il effectua le cycle complet
d'humanités gréco-latines et apprit en même temps l'allemand parfaitement, faisant ainsi preuve d'une
réelle capacité linguistique qui s'étendra plus tard au néerlandais, à l'anglais, à l'italien lorsqu'il ira à Rome,
et surtout au chinois lorsqu'il vivra plusieurs années en Chine.
Sorti d'humanités à dix-sept ans, en 1932, séduit
par la figure du père Vincent Lebbe, il entra au
séminaire de Louvain de la Société des Auxiliaires des
Missions (S.A.M.), dont le but est de mettre des prêtres
séculiers au service des évêques autochtones. Idéal
difficile, apparemment, pour un fils de colonial.
Ordonné prêtre à 22 ans, le 6 février 1938, par
l'évêque de Liège Mgr Kerkhofs,.
Il est envoyé ensuite à Rome pour y poursuivre son doctorat en théologie.
Après son service militaire, il devait partir exercer son ministère en Chine, mais l’arrivée de la guerre reporta son départ
En mai 1940, au terme de ses études, alors qu'il mettait au point sa thèse, il estime devoir, malgré des avis contraires, de prendre du service et, arrivé dare-dare
en France, il y sera désigné comme aumônier du Centre de Recrutement de l'Armée belge (CRAB).
Du 10 mai au 18 août 1940, après avoir séjourné en France, il reviendra en Belgique et y sera bloqué durant toute la période de la guerre, ce qui ne
l'empêchera pas de toujours penser à sa carrière missionnaire.
Se comportant en vrai patriote il collabora avec son père à la presse clandestine (1940-1942), et devint vers 1943 aumônier du maquis, alors que depuis 1941, il assurait la
cinquième gréco-latine au collège St-Roch à Ferrières.
Enfin, en participant aux combats de la Libération au confluent des rives droites de l'Ourthe et de l'Amblève, dans un groupe mixte des Armées de Libération (A.L.) et Secrète (A.S.).
Cité à l'ordre du jour de la zone V de l'A.S., il tira également de cette expérience un livre qui connut trois
éditions : «Nous étions des bandits». mi-1947.
Retournant à Louvain pour achever son doctorat en théologie, il peut enfin entamer sa carrière missionnaire en
partant pour la Chine le 18 juin 1947 ; il avait alors 32 ans, riche déjà d'une expérience qui lui sera d'un
grand secours pendant sa période chinoise qui, si elle fut assez courte, sera cependant celle qui fut la plus
féconde et dramatique à la fois.
A Pékin où il sera affecté pendant son apprentissage, il donne des cours à l'Université Aurore (Fujen) et
est aussi l'assistant de l'archevêque Tien à la cathédrale de Pékin. 11 envoie alors en Belgique plusieurs repor-
tages.
Novembre 1948, les communistes arrivent à Pékin. 11 juge de son devoir de rester sur place malgré que son Ordre l'autorise à se replier.
Il est alors nommé vicaire d'une paroisse de Peitang (Pékin) et aumônier de la Légion de Marie.
«1949-1951, déclara-t-il plus tard, ont été sans doute les plus belles années de l'histoire de la communauté
chrétienne de cette grande cité de Pékin. Devant une propagande qui visait à les éloigner de la Foi, les
catholiques chinois réagirent par un renouveau de vie religieuse...».
Ce fut surtout la Légion de Marie, remarquable mouvement d'union et de prosélytisme dont il était
l'aumônier, qui sera la cause de son arrestation le 25 juillet 1951 pour le motif qu'il avait nui en cette
action aux intérêts du peuple, plus particulièrement en dirigeant pendant la semaine sainte de 1951, un
grand jeu scénique de la Passion.
A la prison de Ts'ao-lan-tze, Albert Sohier connaîtra une incarcération de trois ans et quatre mois qui sera
un vrai martyre, tant par des interrogatoires sans cesse renouvelés que par les tortures et sévices corporels
endurés, au cours desquels il eut la colonne vertébrale brisée en trois endroits, le laissant dans un état de
paralysie du bas du corps presque tout au long de la période de détention. La colonne d'ailleurs se
ressoudera incomplètement. Définitivement, il conservera la paralysie des doigts de pieds.
Pendant toute cette période, ses parents furent totalement privés de ses nouvelles, alors qu'avant ils
avaient maintenu des relations épistolaires chaque semaine.
Fin 1951, date de la fin du supplice et du lavage de cerveau, mieux traité alors en prison, sa mère
décédait offrant sa vie pour la Chine et son fils.
Son père et ses frères furent avertis peu de temps après, par l'ambassade de Suède, avisée par le Gouvernement chinois, du décès de l'abbé Albert Sohier.
Ainsi, en Belgique et au Congo belge, son décès fut annoncé.
1952, 53 et 54 se passèrent dans cette perspective et, lorsque son père reçut, fin 1954, une lettre de Chine à la Cour de cassation de Belgique,
il crut tout d'abord qu'il s'agissait d'une lettre égarée depuis longtemps et qui, enfin, lui parvenait. Bien au
contraire, il apprenait que son fils était toujours en vie. Ainsi, il avait survécu, avait même réappris à
marcher en prison, avait été libéré après notification hâtive d'un jugement qui le condamnait à quatre ans
de prison et dont il n'eut connaissance qu'à sa sortie de geôle, sans qu'il ait pu se défendre en quoi que
ce soit et où il lui était reproché d'avoir causé du tort à l'Etat par son attitude réactionnaire de la Légion
de Marie.
A cet égard, lors des interviews et conférences qu'il donna à son retour en Europe (Belgique, France, Suisse, Allemagne), il fit toujours
preuve envers ses tortionnaires de beaucoup d'indulgence, voire même de compréhension, espérant, disait-il, à la coexistence, là-bas, «de l'Eglise et de l'Etat
communiste, mais celui-ci devrait faire un gros effort de fair-play».
Rapatrié à Rome en janvier 1955 (il a quarante ans), il s'établira à Louvain, heureusement psychiquement intact, et pourra, jusqu'à la mort de son père (fin 1963),
vivre près de lui et l'aider dans ses dernières années solitaires.
Sociologue reconnu, il sera considéré pendant cinq ans comme un spécialiste écouté et
documenté des problèmes de la Chine communiste et,aux côtés de David Rousset, fera partie de la
Commission internationale contre le Régime concentrationnaire.
Ce qu'il faut retenir, à partir de son retour, est une étude systématique de la vie du père Lebbe qui le
conduira à publier en 1960 avec l'abbé P. Goffart, «Les lettres du Père Lebbe» et seul, de 1962 à 1966, des
«Lettres et écrits spirituels du Père Lebbe».
D'autres publications, études et recherches sortiront de sa plume qui démontreront son attachement
profond à la Chine et à son environnement missionnaire que le père Lebbe et lui, dans son sillage, ont tant développé.
Après une courte période de soins, il reprit le chemin des missions vers l’Afrique où il exerça son apostolat au Rwanda chez Monseigneur Bigirumwami, premier évêque autochtone du Rwanda, et y enseigna à Nyondo.
Son séjour le conduisit à travers le «pays des mille collines» et l'amena, entre autres activités, à proposer des techniques et solutions de
développement, comme la culture et la consommation du soja, nouvelle base alimentaire d'origine chinoise
et qui assure aujourd'hui, en Afrique noire, une ressource nutritive exceptionnelle.
Pendant son séjour africain, il retournera à Lubumbashi (ex-Elisabethville), théâtre de son enfance, surtout
pour s'incliner sur la tombe de son frère aîné Jacques, tué accidentellement sur la route Kipushi-Lubumbashi.
Rentré en Belgique, il continuera à assister les missionnaires sur le terrain par son action au sein de la Société Auxiliaire des Missions.
Et, malgré sa santé de plus en plus altérée, il continuera coûte que coûte à déployer, au service de tous et dans différentes directions,plusieurs activités.
D'abord, comme professeur de religion dans l'agglomération bruxelloise, dans un premier temps chez les
sœurs de Montjoie, puis au Lycée royal de Laeken et à l'Institut du Parnasse, enfin à l'Athénée royal de
Watermael-Boitsfort (1971) où il rendra ses cours particulièrement attrayants par la composition de
saynètes et la projection de diapositives, permettant alors aux étudiants de poser des questions concrètes,
développant de la sorte une catéchèse mieux adaptée à l'enseignement secondaire.
Ensuite, il reprendra ses recherches historiques,toujours dans la mouvance du père Lebbe, et sortira
ainsi plusieurs articles.
Enfin, ayant exercé, déjà avant son départ au Rwanda, une aumônerie bénévole, il sera, dès son retour jusqu'à la fin de sa vie, le 11 janvier 1975,
aumônier du Sacré-Cœur de Linthout. C'est là qu'il dira sa dernière messe le 4 janvier, déjà frappé par
la grippe qui, malheureusement, vu sa santé déteriorée depuis plus de vingt ans, devait dégénérer en une
septicémie générale, foudroyante, et une méningite qui allait entraîner sa mort.
Epuisé par toutes ses souffrances, il décédera le 11 janvier 1975 à l’âge de 59 ans