Antoine SOHIER
07/06/1885 Liège - 22/11/1963 Uccle
époux de Cécile GULIKERS
Magistrat, spécialiste du droit coutumier congolais

Il est l'enfant unique d'Edouard et de Marie-Anne LEBOUTTE

Il voit le jour en Gérardrie, au cœur de liège le 7 juin 1885.
Sa mère était née en banlieue sud dans un foyer ouvrier ardennais originaire de Dochamps.
Son père, quitte Boninne, près de Namur pour s’établir à Liège où il entre dans la police.
Suite à une maladie contractée en service commandé, son père, commissaire de police, le laissera orphelin à 13 ans.
Antoine avec sa Maman


De son père, il avait notamment retenu l’art de l’enquête policière, mais aussi le goût de l'opéra dans les coulisses du Théâtre Royal dont il dirigeait volontiers le service d'ordre et où son épouse travaillait.
Veuve, sa mère ouvrit une petite épicerie à son domicile.

Boursier, il entra à l’Université de Liège dont il sortit docteur en droit en juillet 1908.
A l'époque, la faculté de philosophies et lettres était dominée par la puissante personnalité de Godefroid Kurth, historien, un des pionniers de la démocratie-chrétienne. Celle de droit, par Gérard Galopin, membre du Conseil Supérieur de l'Etat indépendant du Congo. Ces deux personnalités influèrent sur son avenir.

Il entre au barreau de Liège et se lance dans la vie sociale.
Il fut ainsi co-fondateur du conseil particulier de la Société de St Vincent de Paul de Liège, de la Mutuelle Ste Marguerite et, toujours dans son quartier, du premier syndicat de houilleurs chrétiens qu'il baptisa "Les Francs Mineurs". Il mettait au point un projet de coopérative et était approché pour une candidature élective, quand, en tant que président de la Jeunesse Ste Marguerite, il se vit obligé de participer à la retraite annuelle du Cercle à la maison de Xhovémont, Il suivit distraitement les exercices spirituels, mais cette pause forcée dans ses activités, lui permit de faire le point et de conclure que la politique n'était pas son fait. Il décida simultanément de demander la main de Cécile Gulikers, âgée de dix-sept ans et de s'engager en tant que magistrat pour un terme au Congo.

Dès son retour à la maison, il contacta sa future épouse et le professeur Galopin. Il liquida son cabinet, et acquit un manuel genre "Apprenez l'anglais sans peine" qui tenait lieu à l'époque d'Assimil . Au Ministère des Colonies, il remplit la rituelle fiche questionnaire et eut l'imprudence, et l'impudence, de déclarer qu'il parlait l'anglais. Cette entorse à la vérité devait changer toute sa destinée et celle de la lignée qu'il fonderait. Car le candidat désigné pour le Katanga échoua à son examen de fin de stage et Antoine Sohier vit, en dernière minute, sa destination initiale pour Boma remplacée par celle du Cap en Afrique du Sud.

Un de ses meilleurs amis faisait ses premiers pas comme chroniqueur littéraire de la Gazette de Liège. Par lui, il fut convenu avec le directeur du journal qu'il enverrait du Katanga une série de reportages, sous un pseudonyme hermétique, ce qui lui permit non seulement de faire connaitre ce nouveau pays et la vie de ses pionniers à ses concitoyens, mais aussi d’analyser pour eux les possibilités économiques qu’offre ce pays pour la Belgique et pour ses concitoyens.

Il a 22 ans et s’embarque le 26 mai 1910 à Anvers pour Londres et le 28 il gravit la passerelle du S.S. German de l'Union Castle Line. Il laisse derrière lui sa mère, sa fiancée et ses nombreux amis.

Le 20 juin, le voyageur débarque sur le continent africain à Cape-Town.
Il poursuit sa route en chemin de fer via les Victoria Falls et le 3 juillet 1910, il loge à Broken Hill qui ne compte alors que quelques cases et un hôtel composé de 25 cases dont certaines n’ont pas de lits, les voyageurs devant se contenter d’une couverture sur la terre. De là, il ne peut poursuivre sa route, au petit bonheur la chance, qu'en wagon de marchandises jusqu’à l’endroit où le rail est arrivé. Là il faudra chercher des porteurs pour les bagages puis en quelques jours de marche (25 km par jours) continuer le voyage.

Antoine SOHIER traverse la frontière congolaise le 6 juillet 1910.


Il arrive à Sakania où l'attend une pile de dossiers. Le 16, il mène d'autres enquêtes à Tshinsenda.
Le 1er août, il poursuit son voyage jusqu'au terminus de la ligne de chemin de fer en construction et y campe. Le lendemain, il emprunte à pied la route des caravanes, pour enfin dresser sa tente à Elisabethville. Mais cette cité ne correspond guère à notre conception d'une ville: rien n'offre moins l'aspect d'une agglomération:
d'abord, la population y est divisée en trois centres distants de deux heures de marche l'un de l'autre:
     -la Kafubu, siège de l’administration, où réside le vice-gouverneur Wangermée, la garnison, et où continuera à séjourner le représentant et du Comité Spécial du Katanga,
     -l’'Etoile (ou Kalukuluku), ou sont les mines, une partie des fermes et la justice,
     -la Lubumbashi, où se trouvent les forges de l'Union Minière , des exploitations agricoles et la plupart des magasins; là arrivera le chemin de fer, et seront peu de temps après transférés tous les services administratifs.

L'administration de la colonie n'était pas moins cosmopolite que tout le reste: le commandant des troupes était Suédois, le chef des travaux publics Suisse, le médecin Italien, un procureur du roi Norvégien assistait un juge de première instance Roumain. Il n'en était pas autrement dans les sociétés commerciales belges ; les deux principales avaient comme directeurs, l'une un Ecossais, l'autre un Danois. A l'Union Minière, le personnel était britannique au point que l'anglais était à peu près la seule langue usitée, le directeur,lui, était Belge, mais son épouse était Vénézuélienne.

Il prend aussi des leçons de vélo pour lui faciliter et accélérer ses déplacements. Il loge dans une maison en pisé blanchi à la chaux avec toit de chaume.

A cette époque, une très forte tension est palpable entre Belges et Anglais premiers découvreurs et exploitants du Katanga. Ces derniers voulant faire main basse sur le Katanga et ses fabuleuses richesses. Le comportement des Anglais vis-à-vis de la population africaine est exécrable et brutale, et très dédaigneuse vis-à-vis des Belges. Ils rechignent à se soumettre à la justice des Belges et sont soutenus en cela par leur consul. Des rumeurs circulent régulièrement à propos d’une offensive militaire anglaise que ne saurait contrer une armée belge réduite et éloignée d’Elisabethville. Par ailleurs, le Vice-gouverneur Wangermee ne semble pas prendre les craintes et les faits qui lui sont rapportés par la magistrature à ce sujet au sérieux (les rapports entre le Vice-gouverneur et les magistrats sont d’ailleurs assez tendus).
Le 1er octobre 1910, le chemin de fer est arrivé à l’Etoile. Une grande fête est organisée par le consul anglais à cette occasion. Tout le personnel de la ligne et tous les Anglais de la ville sont là, le premier train est chargé uniquement d’Anglais. Les Belges, même présents sont ignorés, et le vice-gouverneur n’est même pas invité…

Le gros problème, c’est que toutes les décisions des autorités belges sur place, même du vice-gouverneur ( il ne sera nommé gouverneur que plus tard) sont soumises à un avis préalable du Ministère des Colonies à Bruxelles où les décisions sont souvent prises par des bureaucrates de niveau pas toujours élevé et totalement ignorant des réalités locales.
Quant à la magistrature katangaise, elle dépend, comme l’administration, des autorités judiciaires de Boma dont les décisions mettent souvent plusieurs mois à parvenir à destination.

De là il effectuera pendant son premier terme, toujours à pied et en vélo, et exceptionnellement en « machila » (hamac suspendu à une perche porté par deux porteurs) sur des pistes, car pratiquement aucune route n’existe, plusieurs missions à Kasenga, Lukafu, Koni, Kiambi, Lukonzolwa sur le lac Moëro et Kikondja sur le lac Kisale. Lors de la plupart de ces étapes, il rencontrera des missionnaires et des Européens souvent isolés, soit installés, soit de passage qui étudient ou commencent à exploiter les énormes potentialités de ce pays. Il découvre ainsi les merveilles naturelles de ce pays encore quasi inexploré.
C’est à ce moment qu’il fera la connaissance d’un missionnaire, homme du monde, très cultivé avec qui il liera une longue amitié, le père de Hemptinne, qui deviendra plus tard le très influent évêque d’Elisabethville.
Dès son arrivée à Sakania, l'ancien membre de la Société de Saint Vincent de Paul visite un malade à l'hôpital anglais. Il fut aussi au chevet de malades à Elisabethville puis au "lazaret" de Kiambi.
Ces divers déplacements, durs, mais dont il raffole avec ses caravanes de porteurs, et les arrêts de nuit en pleine brousse ou dans des villages lui permettront de côtoyer de très près les « indigènes » , du simple porteur au chef de village et de tribus différentes. Très curieux de tout, il chercha à connaître leurs mœurs, leurs coutumes et leurs façons de penser. Il avait un interprète indigène qu’il tenait en très haute estime pour sa connaissance des langues et coutumes katangaises. Il avait pris très tôt l’habitude de le consulter pour ses jugements et n’eut qu’à s’en féliciter car la connaissance de cet interprète du droit coutumier évitera au juge bien des erreurs. Plus tard, dans ses écrits, il fera allusion à cet interprète et à ce qu’il lui devait.
L'influence de Martin Rutten sur Antoine Sohier s'exerça en d'autres domaines. Lui aussi, comme Meek, et peut-être Meek sous son influence antérieure à 1910, était attentif aux coutumes et juridictions traditionnelles.
Dans ses contacts avec les blancs, lui le catholique convaincu, il côtoiera des protestants, des orthodoxes, des juifs et des athées et toujours curieux de tout, s’intéressera à leur vision de choses. Il en est de même dans sa quête concernant les mentalités, car lui qui n’avait que peu voyagé en Europe jusqu’alors, il sera en contacts très fréquents avec des personnes d’origines très diverses. Outre les nombreux Belges et Anglais, les personnes qu’il rencontre viennent d’Italie, d’Allemagne, d’Autriche, de Norvège, de Suède, de Suisse, du Portugal, de Grèce, de Roumanie, de Russie, d’Australie, du Canada et de nombreux autres pays. La plupart sont relativement jeunes et la mortalité effrayante suite aux maladies. (Pour préserver sa santé, il applique le régime médical suivant : purge tous les samedis et 30 centigrammes de quinine par jour.) Par contre il notera la 2e naissance d’un enfant blanc à Elisabethville, la 3e au Katanga.
Il assistera aussi à la naissance en pleine brousse de la ville d’Elisabethville avec ses grandes avenues créées à travers la forêt où rien n’existait alors. Des maisons commencent à s’élever et des commerces provisoires se développent.
Fin 1910, quand le gros de la population quitte les sites de l'Etoile et de la Kafubu pour s'installer à la Lubumbashi, la population blanche avoisine les 300 âmes, et mêlée à elle, la population noire le millier. Elisabethville grandit très vite. Le 12 juillet 1911, les services judiciaires déménagent eux aussi à Lubumbashi. Au fur et à mesure que les migrations vers cette nouvelle ville se développent, l’Etoile dépérit. Fin 1912, quand à l'issue de la saison sèche, les Africains autres que les proches et domestiques quitteront en majorité le quadrillé de Lubumbashi pour gagner leur cité propre, les Européens sont à peu près un millier (dont la moitié parle anglais), les Africains cinq ou six fois autant.
En tant que juge, durant cette période, il aura à connaître des litiges entre Européens, entre Européens et Africains, mais aussi entre Africains dont les coutumes sociales ou tribales devaient parfois faire comprendre les comportements et dont il fallait tenir compte lors du prononcé du jugement. Le jeune magistrat qu’il était avait compris que l'on ne pouvait notamment réprimer les meurtres qui étaient jusque-là admis par la coutume, mais à son tour il avait fait comprendre que ces actes étaient désormais prohibés par une loi nouvelle et l'épidémie des assassinats prit fin.
Sur la situation économique et politique, il n’est guère optimiste. Le cours international du cuivre et les difficultés d’approvisionnement en hommes, en matériel et en ravitaillement pour les hommes risquent de rendre peu rémunératices les exploitations qui tentent de se développer. « Au point de vue politique, que de déboires encore en Belgique quand on verra enfler les budgets ! » Lors de sa longue tournée à l’intérieur du Katanga il fera la réflexion suivante : « Je n'ai pas rencontré depuis mon départ de l'Etoile un fonctionnaire ni un particulier qui fut optimiste... . Chef de zone et chefs de postes, missionnaires et ingénieurs, commerçants et agents du C.S.K., chacun se demande où va le Katanga. Travaillons cependant avec foi dans l'avenir. » A la fin de ce premier terme, il rentre en Belgique, mais il a appris à aimer ce pays et ses défis et est bien résolu à y revenir avec sa jeune épouse et d’y construire sa famille.
La maison du jeune ménage
Le ménage est décidé à être de ces aventuriers du monde moderne: les parents. Leur premier enfant naîtra à Elisabethville le 2 juin 1913.
Ils auront six enfants, La première famille nombreuse belge du Congo, mais deux mourront en bas âge à une époque où la médecine n'a pas encore trouvé le juste dosage de quinine à administrer aux bébés atteints de malaria cérébrale et sont enterrés au Katanga.

En 1912, est fondé à Elisabethville un enseignement pour enfants européens, simultanément d'ailleurs avec l'école ouverte aux petits africains, au même endroit jusqu'en 1927, avec cour de récréation commune. Ses enfants pourront ainsi profiter sur place d’une scolarisation primaire de bon niveau.
Durant tout son séjour loin de ses proches l’arrivée de leur courrier restera un besoin pressant.
Une de ses principales enquêtes lors de ce premier terme portera sur les rumeurs d’exactions assimilées à de l’esclavage de certains Européens vis-à-vis des populations locales pour l’exploitation du caoutchouc dans la région avoisinante du Lac Moëro, mais malgré ses recherches et ses interrogatoires de la population locale, rien ne vint étayer ces rumeurs et, au contraire, « tous ceux que j'interroge me font avec détails l'éloge de ces blancs, qui paient très bien tout ce qu'ils achètent , disent qu'ils ne sont pas des officiels mais sont autorisés par eux à récolter, ce qui est vrai, traitent bien tout le monde, etc." On me dit les prix qu'ils payent, qui tout en leur laissant un joli bénéfice, sont très honnêtes."
La seconde moitié de son premier terme (il dure 30 mois à cette époque) se passera dans un petit poste de l’intérieur : Kiambi au centre du Katanga région des Baluba. Seul magistrat pour un territoire presqu’aussi grand que la Belgique, ce qui l’amènera encore à effectuer plusieurs longues expéditions dans les villages à travers la brousse, partageant les difficultés et les heures de repos avec les membres de sa caravane, porteurs, domestiques, plantons, prisonniers, militaires et épouses de plusieurs d’entre eux qui suivaient leur mari dans ses pérégrinations. Les caravanes pouvaient compter plus de 50 personnes. Il y libéra notamment des esclaves dans cette région où cette coutume existait encore.
En 1922, il parvint à faire délimiter les zones domaniales où pourraient être concédées des propriétés à des Européens, un régime identique au profit des maraîchers africains immigrés et surtout des "réserves indigènes", non que les aborigènes y fussent parqués, mais des zones non occupées soustraites à toute possibilité de concessions préservant très et plus que largement les besoins futurs d'extension des premiers propriétaires du sol.
La famille en 1922 et un peu plus tard
Tout au long de sa carrière, il réussit à maintenir l'équilibre entre les deux pouvoirs apparemment divergents de l'Etat, l’administration et la magistrature. Pourtant parfois pris à partie.
Il devait quand même être apprécié puisqu’il fut approché pour succéder au vice-gouverneur général Martin Rutten, mais déclina la proposition.

Pour faire face au manque criant de documentation pour les magistrats congolais, il co-fonde, mais il en est l'élément moteur, la Société d'Etudes Juridiques du Katanga,. Elle rassemble tous les juristes locaux, même en dehors de la magistrature, et débouche, en novembre 1924, sur la Revue de Droit et de Jurisprudence du Katanga, devenue bientôt Revue Juridique du Congo Belge qui, sous divers titres, au gré de fluctuations politiques, fêtera son cinquantième anniversaire avant d'être aspirée et engloutie par le maelström centralisateur de Kinshasa. Il s'agit là de la première revue scientifique du nord du Capricorne au Sahara.

En 1931, Antoine Sohier inaugura le palais de justice d'Elisabethville, son œuvre, non sans concessions aux conceptions par fois bizarres du Département. Le fronton s'orne d'une devise de son cru: Jus Justitia Lex : la Justice y somme le Droit et la Loi.

Très sensible au régime pénitentiaire, ce n'est pas le fruit du hasard si son deuxième ouvrage doctrinal fut un traité sur Le régime pénitentiaire congolais. Procureur du Roi, au moins une fois par mois, il visitait la prison. Procureur général, il rappela ce devoir aux substituts, mais lui -même donnai t l'exemple. Il aimait surgir à l'improviste à la prison. Procureur du Roi à Arlon, il ne modifia pas son habitude, alors même que cette mission, prévue par la législation métropolitaine, est tombée en désuétude dans la plupart des ressorts. Très actif aussi dans le domaine social il fut notamment Président de l’Automobile Club du Katanga, de la Croix Rouge du Katanga, et grand amateur de littérature, il se chargea de la bibliothèque officielle. Au sein de la Croix Rouge i l fut l'initiateur de réalisations concrètes, comme l'érection d'une léproserie, en collaboration étroite avec les médecins, eux aussi regroupés, il structura l'association. En 1931 fonde la Ligue des familles nombreuses du Congo. Son épouse, elle, était un membre actif de l’Union des Femmes Coloniales groupement caritatif au Katanga qui aidait les missions. Il fut choisi comme professeur par l'Université d'Anvers, où il fut chargé aussi, à côté du droit coutumier, d'un cours d' "administration des populations indigènes". Il y fut invité à donner des conférences de déontologie à des administrateurs présents et futurs. C'est par son cours à l'Université d'Anvers que ses analyses débouchent sur ses livres devenus classiques comme Le mariage en droit coutumier congolais ou le Traité élémentaire de droit coutumier du Congo belge .
En 1932, il définit les deux tendances de la politique coloniale, en termes caricaturaux le balancement entre les "humanitaristes " et les "économistes ". Dans plusieurs articles de 1938 à 1940, il presse la Belgique de redéfinir sa politique africaine dans le sens du mouvement. Il demande aussi à l'Eglise de sacrer des évêques congolais.
Son bureau de Procureur Général en 1933

Mais, blessés par la perte de deux de leurs enfants, son épouse et lui estiment le climat d'Afrique trop débilitant pour des jeunes et
placent leurs deux aînés en pension en Belgique au début de leurs humanités.
La perspective de devoir se séparer, à leur tour, des puînés les hantent.

En 1934, nouvelle étape, une période difficile de sa vie où il se trouve bloqué en Belgique sans emploi et sans pension, en pleine crise économique. Sans ressource à Bruxelles, il est abrité dans la maison d'un ami d'Afrique.
La carrière coloniale lui paraît aléatoire et débouche sur une pension insuffisante pour élever une famille nombreuse.

Dès que l'opportunité se présente, avec l'appui d'un ancien militant de la démocratie chrétienne de sa jeunesse, il décroche une nomination dans la magistrature à Arlon.

Son action pendant la guerre 40-45.
En 1940, il est plongé dans la mêlée. Il demeure à son poste, comme le lui enjoint son carnet de mobilisation. Quelques semaines après le 28 mai, il diffuse des tracts clandestins.
C'est encore l'homme privé qui œuvre au sein du service Socrate pour aider les réfractaires au service du travail obligatoire.
Lorsque le service Clarence doit choisir, pour une filière d'évasion, les candidats les plus utiles à la Colonie en guerre, c'est évidemment au procureur général honoraire qu'il s'adresse, mais il n'est pas mandaté officiellement.
Lorsque dans le n° 72 de La libre Belgique, édition de Liège, en février 1944, il publie un article intitulé « A la police et à la gendarmerie » dans lequel il analyse la portée de l'article 121 bis du Code pénal et donne des directives, les devoirs et les limites à ne pas franchir , il est certain que ses instructions commentées dans les brigades et commissariats seront reçues comme émanant d'un haut magistrat anonyme.. . mais il agit sans mandat.
Par contre, lorsqu'il aide Norbert Laude, ce héros, dans la résistance interne à l'Université d'Anvers, ou, à côté de cette autre grande figure qu'est Edouard De Jonghe, il collabore à la résistance scientifique de l'I .R.C.B.

Après la césure de la guerre, ses appels reprennent. Devenu conseiller à la cour de cassation, il habite Bruxelles. Les trois partis traditionnels se réorganisent. Il écrit à leurs présidents, se met à leur disposition à titre d'expert pour la définition de leur politique coloniale. Seul le P.S.C. , par Pierre Wigny, retient sa proposition. Un comité de défense des mulâtres est créé, en font partie de ses confrères de l'I .R.C.B., et lorsque ceux-ci s'agitent, Antoine Sohier est désigné comme président d'une commission pré-législative officielle les concernant. Muni de cet instrument, il pousse plus loin, préconise une réforme de l'immatriculation et un statut pour les Congolais "civilisés".

Il mènera une nouvelle carrière en Belgique qui l’amènera à l’échelon suprême lorsqu’en 1960, il devient le premier président de la cour de cassation.

Fils unique, ses trois enfants mariés auront chacun de très nombreux descendants, respectivement 11, 9 et 11 enfants tous nés ou élevés au Congo.
Antoine avec la famille de Jacques en 1949.

CARRIERE D'ANTOINE SOHIER.
1910, comme substitut suppléant, à titre provisoire, il est adjoint à Sigvald Meek, procureur d'Etat faisant fonction.
1912, il est substitut titulaire, à titre définitif, du même Meek, procureur du Roi.
1915, Sigvald Meek est placé sur la touche, Antoine Sohier le remplace comme faisant fonction.
1918, il est nommé procureur du Roi, mais cette même année Martin Rutten, procureur général, devient vice-gouverneur général du Katanga. Le substitut du procureur général Fernand Dellicour le remplace comme faisant fonction, et le procureur du Roi nouvellement promu exerce des fonctions du substitut du procureur général. Dellicour est titularisée en 1920.
1923, Fernand Dellicour prend sa retraite, Antoine Sohier devient procureur général ad interim. 1925, Antoine Sohier est nommé procureur général.
1930, il prend rang au sein de l'Institut Royal Colonial belge qui deviendra Académie Royale des Sciences Coloniales puis enfin Académie Royale des Sciences d'Outre-Mer.
1934, il sollicite sa retraite coloniale, et est nommé procureur général honora ire près la cour d'appel d'Elisabethville.
Il rentre en Belgique et est nommé procureur du Roi près le tribunal de première instance d'Arlon.
1937, il est promu conseiller à la cour d'appel de Liège.
1939, il est nommé professeur de droit coutumier à l'Université coloniale de Belgique à Anvers qui deviendra l'Institut Universitaire des Territoires d'Outre-Mer. La même année, il est chargé par le Gouvernement d'une mission d'enquêtes en Afrique sur la répression de la contrebande de l'or particulièrement au Kivu, suite à des démarches diplomatiques des gouvernements hellène et britannique.
1941, pour une année, il assume la présidence de l'I .R.C.B.
1946, il est promu conseiller à la cour de cassation. Cette même année, le Département des Colonies lui confie la présidence d'une commission pré-législative concernant les mulâtres qui se prolonge, par une refonte du régime de l'immatriculation, en préparation d'un statut du Congolais civilisé.
1950, il est membre du Conseil Colonial qui deviendra Conseil de Législation et dont il restera membre jusqu'à la veille de l'indépendance du Rwanda et du Burundi.
1956, il accède à l'honorariat à l'Institut d'Anvers.
1960, il devient le premier président de la cour de cassation puis accède à l'honorariat.
Cette même année, en juillet, le Gouvernement le charge d'une mission spéciale au Katanga.
Il fut plusieurs fois convoqué au palais royal.

Avec Fernand Waleffe, il fût le seul magistrat à avoir gravi tous les échelons à la fois de la magistrature coloniale et de celle de la Métropole jusqu'au plus haut niveau dans chacune d'elles.

Il s'éteint le 22 novembre 1963.

Il fût fortement marqué de la personnalité de son premier supérieur en Afrique et ami, le Norvégien Sigvald Meek, travailleur acharné, rigoureux dans l'expression de sa pensée, polyglotte curieux de son environnement, ferme et humain, d'une indépendance totale, d'idée sociale avancée, avec qui il a aussi contribué à créer des traditions de la magistrature katangaise par :
- son intérêt pour le droit coutumier et ses juridictions;
- sa vigilance à endiguer les contraintes physiques sur les populations africaines, notamment travailleuses;
- son souci du respect de la loi par tous les justiciables, y compris les Européens. Nul ne pouvait prétendre se soustraire à la légalité, se prévaloir de privilèges de naissance, de fonctions ou de nationalité.

Il est indispensable pour comprendre Antoine Sohier d'isoler un épisode de sa vie.
Sa toute première instruction lors de son arrivée à Sakania à la frontière congolaise débutait sur une grève des ouvriers africains de la société de construction de la voie ferrée. Ils réclamaient l'arrestation pour meurtre d'un machiniste blanc, accompagnée d'une menace d'une autre grève, celle du personnel européen, si l'inculpé était arrêté. Simultanément la direction du chemin de fer et les représentants de l'administration lui signalaient la volonté du vice-gouverneur général que tout soi t fait pour hâter l'achèvement des travaux. Et, écrit-il: "je ne pensais qu'à une seule question dont personne ne parlai t: le mécanicien avait-il, oui ou non, tué le chauffeur !". Rejetant les pressions, il s'attela à l'enquête qui, d'elle-même, par son déroulement, apaisa les esprits pour déboucher sur un homicide involontaire incontesté de tous. Dès ce moment, il était convaincu que la pierre angulaire de l'action judiciaire, était l'indépendance de la magistrature.

En 1912, il s'était engagé dans le corps des volontaires européens où il entraîna son substitut, malgré ses préventions anti -militaristes.


QUELQUES DOCUMENTS QUI LUI SONT CONSACRES

CURRICULUM VITAE

Le Bulletin des Tribunaux Coutumiers à Antoine Sohier rend un hommage exceptionnel dans sa revue

NOTICE BIOGRAPHIQUE.(Par Honoré Vinck)

(Cliquez ici pour voir l'article biographique de l'Académie Royale des Sciences d'Outre-Mer)

le Centre Aequatoria a mis sur son site environ 150 pages de correspondance entre Antoine Sohier et Gustaaf Hulstaert.


Un roman inédit d'Antoine SOHIER sur les débuts de la colonisation au Katanga et la création de la ville de Lubumbashi

TERRE SANS FOYER
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et

Le Journal d'Antoine SOHIER d'où est tiré ce roman

JOURNAL D'ANTOINE SOHIER
"26 mai 1910 - 5 mars 1912"


Antoine Sohier fait part de quelques souvenirs et réflexions sur sa carrière dans le Journal des Tribunaux d'Outre-Mer

Un début de carrière judiciaire (Souvenirs et réflexions)

Souvenirs judiciaires: La criminalité coutumière"

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